Mini-guide illustré de l'homme de (mauvaise) compagnie


Vous êtes un animal et vous vous demandez si vous pouvez confier votre sort à l’homme. Il y a beaucoup d’idées reçues favorables sur son compte. Il serait intelligent, raisonnable et même moral. Est-ce que ces qualités flatteuses sont méritées ? Faut-il attribuer à l’espèce qui les possède la souveraineté sur le monde ? Nous avons étudié la question pour vous.

L’homme est un animal conscient

Il a en effet la faculté d’avoir une intuition claire de lui-même et des choses qui l’entourent. Elle est insérée en lui comme un prisme où le monde est projeté et ressaisi, la conscience étant une construction, en grande partie personnelle, individuelle. L’homme fait de cela une de ses spécificités glorieuses, la déniant aux autres espèces animales qui lui inspirent un profond mépris.

Nous dirons d’abord qu’il ne peut pas savoir ce qui se passe précisément dans la tête des animaux ; ensuite, que ce serait un autre trait de l’homme d’être enclin à s’exagérer ses dons. S’il est vrai qu’il possède une conscience, celle-ci est limitée, elle est partielle et sélective. De même, la conscience que l’homme a de lui-même n’est pas profonde, elle est loin d’englober tout ce qu’il peut percevoir et tout ce qui peut l’animer en son for intérieur.

De plus, si l’homme peut accroître sa connaissance du monde (et de lui-même), cela ne signifie pas que sa conscience stricto sensu en soit augmentée d’autant. Le savoir de quelque chose peut être aisément négligé, voire oublié alors qu'en avoir conscience, c'est le garder toujours présent à l'esprit.

Cette scène de l'intelligence humaine à deux plans rétractables n’est pas sans être commode au vrai, notamment dans le domaine moral. Elle permet aux hommes de faire des choses douteuses sans penser, pour ainsi dire, à mal, mais au contraire, avec une innocence cruelle et une inconséquence ravageuse.

On pourrait conclure en disant que si la conscience de soi est un réflexe (dont il n’y a pas lieu de s’enorgueillir), la conscience morale est un effort (difficile).


L’homme est un animal rationnel

La raison est une façon particulière pour l’homme d’appréhender le monde avec des principes tirés, abstraits du monde lui-même. Elle constitue ainsi un moyen sûr par lequel il peut connaître le monde et le transformer selon les fins qu’il se donne – du moins autant que cela soit possible.

Les hommes sont très fiers d’avoir la possession de cet outil performant. Beaucoup, à cause de son caractère d’adéquation avec l’ordre naturel, lui confèrent une vertu morale. Dans le passé, on pensait que la raison était même une clé pour dévoiler les mystères célestes. Malheureusement, il suffit de considérer le péril écologique qui menace actuellement le monde, que ce sont plutôt des boîtes de pandore que les hommes ouvrent avec elle. La nature des désirs qu’ils veulent assouvir ne se confond pas (leur fâcheuse tendance à tout mélanger !) avec celle des moyens ingénieux qu’ils emploient.


L’homme est un animal moral

Ce que nous avons dit précédemment laisse à penser que les hommes sont d’abord des publicistes bonimenteurs. La morale les préoccupe assurément, il y a des cas d’individus qu’elle tourmente même, et d'autant plus qu'elle est difficile à définir : sur quoi la fonder en effet ? Dieu ? Le plaisir ? L’équilibre des joies et des douleurs ?

Mais que cela soit à cause de l'incertitude, de la paresse, de la peur ou encore de l'égoïsme, le gros des hommes se satisferont finalement des règles dominantes autour d'eux. Dans ces conditions, les iniquités peuvent perdurer pendant des siècles, voire des millénaires jusqu'à ce que leurs poids trop grand fasse éclater des révoltes souvent sanglantes et décevantes au surplus...


Le rire (à ses dépens) est le propre de l’homme

Alors, y-a-t-il un avenir heureux pour les animaux sous la coupe de l’homme ? Je crains que non. La conscience du despote du monde s’arrête trop souvent à ses intérêts immédiats. Si le nombre de personnes désireuses de changement n'augmente pas de façon importante, le sort des animaux restera tragiquement le même.


13 juin 2011
(Dessins : J. Ange & A. Buehrle)

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