La Méthode Millan

« Votre chien vous pose problème ? Vous le trouvez trop agressif, trop stressé, trop peureux ? Il vous agace à toujours bondir sur les gens ou à vous tourner autour en permanence jusqu’à ce que vous acceptiez de lancer cette vieille balle de tennis pour qu’il vous la rapporte ? » 

Telles sont les questions posées en quatrième de couverture d'un ouvrage remarquable derrière ses atours de manuel de survie sociale à l’anglo-saxonne.  

Né au Mexique en 1969, Cesar Millan est un comportementaliste canin établi depuis ses 21 ans aux États-Unis après y être entré illégalement avec tout juste 100 dollars dans la poche. Depuis 2004, il anime un programme télévisé, Dog Whisperer, au succès international. Dans chaque émission, il débarque chez des personnes en proie aux pires tourments avec leur chien sur lequel on le verra, quelque soit le cas, parvenir à imposer toujours son autorité avec le plus grand calme, souvent en quelques instants seulement d’une façon proprement épatante.  
 
Devant des opérations aussi prodigieuses, on ne peut s'empêcher de penser à des tours de magie et se dire : il y a un truc ! Le contact extraordinaire que Cesar Millan établit avec les chiens paraît reposer sur quelque échange d’un courant invisible, mesmérien. Et en effet, dans son livre, après avoir évoqué sa jeunesse au Mexique et sa passion des chiens née à la campagne, puis sa réussite en forme de rêve américain, il expose sa vision de la communication entre les animaux, y compris au sein de l’espèce des hommes, comme un échange d’énergie. Les rapports entre les êtres vivants reposent ainsi selon lui sur l’évaluation instinctive des états émotionnels. Quand, dans la savane, proies et prédateurs boivent ensemble au même étang, c’est parce que les premières sentent que les seconds ne dégagent pas d’énergie agressive. 

Qu’est-ce que cela signifie pour notre rapport avec notre chien ? Que le chien est avant tout sensible à l’énergie que nous projetons vers lui, qu’il n’a pas d’autre mode d’échange à l’état naturel quand il vit en meute avec d’autres chiens. Inutile de le cajoler, de chercher à le raisonner ou de crier pour qu'il abandonne ses mauvaises attitudes. Dans l’univers des chiens, c’est tenir un langage étranger, incompréhensible. On peut certes dresser un chien à accomplir ou ne pas accomplir telle ou telle action, mais cela ne signifie pas pour autant que, s’il a un trouble émotionnel, cette méthode sera efficace. En surface, oui, en profondeur, non. L’aptitude à être conditionnée ne fait pas toute la psyché canine. 

Pour Millan, la plupart des troubles dont le chien peut souffrir viennent de ce que les maîtres ne se conforment pas à sa façon de vivre dans la nature. Beaucoup de personnes commettent le tort d’humaniser le chien, de se saisir de son intelligence et de son désir d’interactions avec nous pour lui attribuer des aptitudes qu’il ne possède pas.  

Quel est le comportement naturel du chien alors ? Sa vie s’insère dans une meute hiérarchisée placée sous la direction d’un chef bien défini qui exerce son autorité sans manifestation violente. C’est par une énergie forte et calme, son charisme tranquille si l’on veut, que ce dernier mène les autres qui n’éprouvent aucun ressentiment à son égard. La grande majorité des chiens ont besoin d’être dirigés, car diriger est une responsabilité difficile. Comme le dit Millan, les hommes sont dans la même situation, sauf qu’ils sont les seuls animaux à pouvoir se doter de mauvais chefs !  

Un bon maître est donc celui qui assume la responsabilité d’être un chef de meute, n’aboyant (sic) pas à tout va ses ordres, mais dégageant une énergie « calme-assuré » selon la terminologie de Cesar Millan. Et il ne suffit pas d’avoir l’air « calme-assuré », les chiens sentant nos vraies émotions, il faut l'être. Si notre autorité vient à manquer, le chien va vouloir combler le vide, même s’il n’est pas fait pour cela, et là, les problèmes surviendront, inévitablement ! 

Cela mesure déjà l’étendue de ce que l’on doit à un chien par-delà l’affection qu’on éprouve pour lui. Elle est fondamentale aussi, les chiens sont des animaux qui aiment en témoigner et en recevoir, mais elle n’est pas suffisante. À cet égard, Cesar Millan conseille de ne pas la prodiguer à tout moment, il vaut mieux le faire après que le chien ait fait quelque chose après avoir respecté notre autorité. À l'état naturel, les chiens d’une meute ne se livrent guère à des épanchements entre eux qu'à la fin d’une journée d’activité. 

Tel est un autre besoin du chien : se promener. Une meute sauvage est en mouvement toute la journée. Un chien est fait pour marcher longuement. Malheureusement, beaucoup ne sortent en compagnie d’un être humain que quelques instants par jour, le temps de faire leurs besoins : autant d’énergie refoulée que le chien transforme en agressivité, en fixations… Un chien doit sortir autant se faire se peut.  

J’ai livré là le tiercé du livre dans le désordre. Pour Millan, il faut avoir constamment à l’esprit ces trois impératifs par ordre d’importance : exercice, discipline, affection. En les respectant, l’on sera quasiment assuré d’avoir un chien épanoui. 

Ce n’est pas une tâche aisée. Adopter un animal ne doit pas être un caprice. C’est un engagement lourd mais si enrichissant ! Sans crainte de me tromper, je pense que le principe central de La Méthode Millan – se conformer au comportement naturel du chien –, devrait s’appliquer à tous les animaux de compagnie. Pour ne prendre que mes congénères, les lapins, la façon dont on les enferme dans des cages, souvent minuscules, me fait du mal. Même quand les hommes se montrent disposés à nous témoigner de l’attachement, ils s’y prennent le plus souvent comme de gros balourds ! J’en traiterai prochainement. 

27 décembre 2010 

Cesar Millan et Melissa Jo Peltier : La Méthode Millan, K&B, 2008.

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