Mystifications

C’est une publicité dans la presse. Elle couvre une pleine page. Il s’agit d’une affirmation, faite par Lydie et François, un couple passionné par son métier : l’élevage de porcs. Jeunes et avenants, Lydie et François adressent un sourire chaleureux au lecteur devant un mur de briques peint en blanc. Ils sont eux-mêmes en tenue de travail propre et repassée. Leur union de cœur et de mains est marquée à cet égard, elle en chemise bleue et pantalon marron, lui en chemise marron et pantalon bleu, de mêmes bottes noires les chaussant. Personnellement, ils me font penser aux mannequins en salopette ou en tenue de chasseur des catalogues Manufrance dans les années 70… En tous les cas, au pied des bottes noires de ce couple à la mine sympathique se tient l’objet de leur dévouement : un porcelet des plus mignon à la peau rose et luisante, vraisemblablement sorti pour l'occasion de sa stalle de « post-sevrage ». Il faudrait expliciter à l’intention d’un public ignorant ce que constitue le post-sevrage dans l'élevage industriel des porcs, mais ce n’est pas ce qui compte dans cette mise en scène. Ce qui l’est, c’est que Lydie et François, « en plus d’assurer des soins constants à leurs animaux, tiennent compte au quotidien des exigences environnementales. Ils sont fiers de garantir la santé…[ah non, je recopie mal ] la sécurité des consommateurs en assurant une traçabilité totale. » Autrement dit n’ayez plus d’inquiétude devant votre côtelette sous cellophane, les tranches de salami sur votre pizza surgelé ou les quelques morceaux de lard dans votre conserve de lentilles nécessaires à votre subsistance, tout sera sain. Ce jeune porc sur la photo a été et sera choyé autant que cela se peut pour que son engraissement se fasse au meilleur compte de l’éleveur qui doit bien vivre et du consommateur qui doit vivre bien. Il est un privilégié même, il aura vu une fois la lumière du jour avant l’autre et dernière fois, quand on le poussera dans le camion vers l’abattoir au bout de ses quelques mois de vie lamentable, inutile d’entrer dans les détails, non, puisque ces quelques mois sont toutes de négation derrière la pleine page d’une publicité d’un formidable déni. 

30 avril 2012

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