Bête

Bête comme, je regrette de le dire, l’éditorialiste du Petit Bulletin (hebdomadaire culturel lyonnais) quand elle s’essaie à faire de l’esprit au sujet des défenseurs de causes minoritaires (1) : 
 
« Ainsi, chaque année à Lyon (…) on pourra se souvenir de manifestations : anti-assassinats de lapins et de vaches et regard haineux des militants envers les passants porteurs de chaussures en cuir non végétal ou, pire, de gants doublés en fourrure, voire de meetings en faveur de la reproduction forcée des femmes qui ne veulent pas d’enfants ... » Et ainsi de suite pour finir par nous inciter, si nous avons « trop de temps », à rejoindre « un mouvement qui en vaut la peine » : aller avec ses amis voir un spectacle de cirque au théâtre des Célestins. 

J’imagine volontiers cette journaliste parmi ceux qui, au passage des marches en faveur du respect des animaux, affichent un rictus amusé et supérieur devant ce qui leur apparaît quelque chose à côté de la plaque . Ne pas manger d’animal ? C’est aller contre une telle évidence... évidence que ces consciences sûres d’elles-mêmes n’ont jamais interrogée ou si peu : « Faut bien manger ! », une des idées les plus courtes que l’on puisse avoir et pour cela une des plus destructrices. Sans sauter le pas du végétarisme, un être raisonnant avec un peu de cœur ne peut pas trouver normale la façon dont les animaux d’élevage sont traités. Il ne peut pas rire, et surtout pas avec cette facilité cruelle de ceux qui pensent avant tout à faire des bons mots, de ce sort tragique, de ces vies fragiles et uniques que l’esprit à gros sabot de l’homme plonge en enfer. Ne pas porter du cuir ou de fourrure ? Est-ce que notre plume aux sarcasmes lourds a conscience que l’on soumet chaque année à la torture des millions d’animaux à une époque qui n’a pas besoin de cuir et de fourrure pour se pavaner dans les atours d'une civilisation libérale et progressiste ? 

Beaucoup de gens sont enclins à rejeter les excès de la pensée. Je suis d’accord que la démesure est un mal qui a causé des ravages tout au long de l’histoire. Mais peut-on se dresser contre elle avec un esprit tiède ? Avant de se gausser, au nom de la tempérance, de ceux qui portent un refus radical, il faut considérer que la morale ne se joue pas dans le secret de sa conscience étroite et facile à tromper, mais dans le vaste monde, et ce monde est un champ de lutte(s). 

15 mai 2011 

(1) Numéro du 11 mai 2011.

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