Médiation

Selon Gandhi, « on peut juger de la grandeur d'une nation par la façon dont les animaux y sont traités ». Je le comprends ainsi : le sort fait aux bêtes est le maître-étalon, qu'il signale l'injustice, la cupidité ou la fausseté, d’une société comme les animaux sont sous l’entière domination de l’humanité contre laquelle ils sont impuissants. Ils ne peuvent ni utiliser la force ni se faire leur propre avocat pour se faire comprendre et, surtout faire admettre, la psyché humaine étant retorse, les mauvais traitements dont ils sont victimes. 
 
Ils ont un besoin absolu d’agents médiateurs, i-e d’esprits sensibles qui observent sans préjugés, y circulant librement, la sphère agitée des affaires humaines, pour considérer ce qui leur arrive, s’en indigner et faire ce qu'ils peuvent pour que le scandale cesse. Hélas, ces agents de liaison entre l’humanité et les animaux ne peuvent être recherchés que là même où se trouve le mal ! Les animaux mettent à l’épreuve, de la façon la plus pure qui soit, non seulement notre pensée, mais aussi notre cœur, notre générosité, notre volonté, notre capacité à agir. Avec eux, on ne peut pas tricher.  

Améliorer leur condition apparaît utopique quand on considère nos démocraties de consumation. Dans une telle société, la défense de la cause animale est des plus ingrates. Même à l’égard de ses intérêts immédiats, comme la lutte contre la dégradation écologique de la planète, l’humanité fait preuve d’une grande mollesse. Les animaux sacrifiés chaque année par milliards de façon horrible ne peuvent compter au mieux que sur des miettes d’attention, et souvent de façon égocentrique en s’inquiétant d’abord (ou ultimement comme pour s’excuser de manquer un instant à ce qui est vraiment important) des problèmes posés pour le sacro-saint bien-être de notre espèce. Ce n’est pas ainsi qu’un esprit libre et sensible peut s’emparer de la question animale si, au lieu de diriger ses yeux vers les animaux, il s’en détourne pour contempler encore l’humanité. 

Personnellement, je demeure pessimiste pour l’avenir des animaux. Et pourtant, je pense que si l’humanité faisait le premier effort de mettre en question ses représentations et ses habitudes, il ne lui serait sans doute pas si difficile de changer les choses. Essayons d'avoir l'esprit un peu ouvert. Quels efforts individuels ou sociaux, les dispositions suivantes nécessiteraient ?  

– Réduire la consommation de viande ainsi que celles du lait et des œufs, toutes devenues excessives dans nos sociétés d'abondance. 

– Accepter de payer ces produits plus cher pour que les animaux d’élevage aient une existence meilleure. 

– S’abstenir de manger du foie gras, les canards et les oies subissant, à cause du gavage forcé, une vie de torture, purement et simplement.  

– Ne pas acheter de vêtements en fourrure et en cuir dont on peut tout à fait se passer pour se couvrir de nos jours, car des animaux sont élevés spécialement pour cela. 

– Interdire la corrida, cruelle pour le taureau, quelque argument en sa faveur l’on puisse avancer, ainsi que l’usage dans les cirques des animaux dont les conditions de vie sont inadaptées et le dressage violent. 

– Réduire l’utilisation des animaux de laboratoire par des contrôles plus stricts et l’emploi obligatoire des méthodes alternatives déjà existantes tout en investissant dans la recherche de nouvelles. La science aussi est un nid de préjugés et de mauvaises habitudes qui torturent pour rien des millions d’animaux. 

Etc. 

Toutes ces dispositions ne sont pas idéales, mais enfin, si l’humanité s’engageait à les prendre alors qu’elles lui coûteraient peu, ce serait déjà bon. Cependant, le problème fondamental est que notre société n’est pas encline à la restriction, c’est quelque chose en fait qu’elle rejette. Si elle s’y résout, c’est du plus mauvais gré quand la nécessité l’accule. Et dans tout ça, les animaux viennent en bout de chaîne. Sur le plan politique, même les écologistes ne promeuvent aucune mesure concrète et forte en leur faveur. Alors que la croissance capitaliste est menacée d'un naufrage, la souffrance des animaux, passant par perte et profit, ne trouble point les écologistes. Ou à peine, pour la bonne contenance.

 11 novembre 2011

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