Une terrible ineptie perdure – Jusqu'à la lie

À la fin de l’épisode précédent au MAC de Lyon, Le Lapin sauvage regarde Dilamar P. et l’Ondine des fleurs partir sur une navette fluviale devant les amener à La Sucrière, autre site où se tient la biennale d’art contemporain de la ville. Mais le cerveau déjà bien ébranlé, Dilamar P. saute dans le Rhône. Malgré le fait de ne pas savoir nager, il parvient à rallier la rive, trouvant ensuite refuge dans un café…

Jusqu'à la lie donc...

Je m’employais à achever enfin L’Homme unidimensionnel de Herbert Marcuse quand mon portable retentit.


Fort irrité, je plantai là ma lecture méditative et me précipitai chez Dilamar P. 
        

— Qu’y-a-t-il, Ondine des fleurs ?
 
— Comment te l’annoncer ? Dilamar P. va laisser un grand vide dans les caisses des bars de Lyon, voilà ce qu’il y a ou ce qu’il n’y a plus ! Je ne sais pas, je suis tellement bouleversée !



— Nous devions aller aujourd’hui à la Fondation Bullukian où se déroule également la biennale. Il m’avait promis de m’accompagner au moins là. Je me faisais une telle fête ! J’ai fait plein de petits bonds de joie dans la rue avant de le découvrir comme ça !
 
— Pourquoi a-t-il des sucres sur les yeux ? 

— Au Brésil, il est coutumier de mettre des pièces sur les paupières des personnes décédées. Mais comme Dilamar était poète, c’est tout ce que j’ai pu trouver dans l’appartement !

— Espérons que Charon, sur la barque qu’il fait naviguer sur le fleuve des morts, s’en contente !

— Autrement Dilamar se noiera cette fois, j’en suis sûre. Si tu avais vu comment il a atteint la rive l’autre jour ! Il a éclaboussé tous les passagers du bateau en essayant de nager comme les chiens, sauf qu’on aurait dit un saint-bernard ivre ! Quelle honte ! Je ne savais plus où cacher mes oreilles !

— Tu te souviens quand il est tombé dans la Saône ?


— Et maintenant, Ondine des fleurs, que va-t-on faire pour l'enterrement de notre cher sans le sou ? Pour ma part, je n'ai guère d'économies. 

— Au vrai, moi non plus. 

— Hum ! Peut-être as-tu déjà entendu parler de l'artiste anatomiste Gunther von Hagens qui expose des cadavres écorchés et plastinifiés d'êtres humains. On pourrait très bien lui proposer d'enrichir son œuvre de celui d'un poète maudit, qu'en dis-tu ?

— Tu crois que voir les viscères d’un poète seraient très parlants ?

— Et  comment ! La meilleure poésie est celle qui vient du plus profond de soi ! 

Ce fut alors qu’un faible bruit, comme celui de la chute d’un petit objet, nous fit nous retourner l’Ondine des fleurs et moi.



— Mais… Mais…C’est un mi… 
 
— Moui…  me coupa l’Ondine des fleurs.



C’est ainsi que Dilamar P. fut contraint d’aller à la Fondation Bullukian.


21 novembre 2011
(Crédit photo : J. Ange, A. Buehrle & Dilamar P.)

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